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Congo :

Au Parc de la Rwindi - 3



Maman au Zaïre !

Comme expliqué auparavant, les moyens de communication étaient presque inexistants à Goma en 1991 : pas de téléphone, poste défaillante...  C'est donc par des voies très détournées qu'on m'a apporté du Rwanda voisin (et en guerre) un fax déjà jauni :

"Coucou fils !
Je serai à Goma du 28 mars au 10 avril !
Est-ce que ma carte Visa sera acceptée partout ?  J'arrive !
Maman."

HEIN ?!?  Plus tard nous allions bien rire de la question à propos de la carte Visa (la carte Visa dans une région où le portefeuille des Mamas est leur petite culotte, waf-waf !), mais à la réception de ce fax ce fut un peu la panique : quelques jours auparavant nous étions une fois de plus retranchés dans nos maisons à cause des pillages, et la situation était très tendue.  Comme j'aime bien ma Mouma, je lui ai donc répondu par fax (je ne sais plus comment j'ai réussi à envoyer celui-ci) :

"Maman,
La situation est très tendue ici pour l'instant.  NE VIENS PAS.
Je vais très bien mais c'est trop dangereux.
Pierre."

Eh oui, à 24 ans on est encore un peu idiot...  
J'aurais dû lui dire que je partais en vacances au Kenya, ou n'importe quoi d'autre...



Jusqu'à ce jour, je ne savais pas
que j'avais une mère aventurière !

Ma chère mère a donc pris l'avion, débarqué à Bujumbura (Burundi) et fait connaissance avec des religieuses qui l'ont hébergée jusqu'au lendemain, pour sa correspondance vers Goma.

Ce fameux coucou ayant été réquisitionné par des militaires, maman a simplement patienté en découvrant Buja.

De mon côté, presque seul à Goma car tous les autres expatriés étaient partis en vacances au Kenya, je passais mon temps dans ma Jeep, entre les bureaux d'une compagnie de transport qui avait une radio, la plaine d'aviation, et les cafés fréquentés par les quelques pilotes locaux.  Pas de nouvelles de la Mama.  Chaque fois qu'un avion passait au-dessus de la ville, je fonçais à la plaine.

Trois jours de ce petit ballet plus tard, j'ai vu ma mère débarquer tout simplement à Goma, et se faire immédiatement "taxer" les tubes de dentifrice qu'elle m'avait apportés par le douanier (le seul à qui je n'avais pas offert un petit cadeau à l'avance).  Pas grave, je les rachèterai plus tard au marché.



Sacrée Mouma...

Bon, la situation est trop électrique en ville, partons au plus vite en brousse.  Au programme : balades en Jeep, les animaux à la Rwindi, la montagne et Kanyabayonga pour le paysage, et on terminera avec les Gorilles (autre page) à Djomba.  Maman est partante, et paie le prix "touriste" pour les autorisations et laisser-passer tandis que je paie le prix "résident", cent fois meilleur marché :
"Mais enfin, citoyen, c'est ma mère !"
-"Oui patron, mais ta mère c'est aussi notre mère, et notre mère est généreuse !"
Hem...

A cette époque, on était plus en
sécurité en brousse qu'en ville !


En piste !

Maman découvre petit à petit l'Afrique, alors qu'elle n'avait jamais quitté le continent européen auparavant.  Ce voyage n'était d'ailleurs que le premier : elle me rejoindra plus tard en Louisiane, puis au Vietnam, ira avec ses copines au Québec...  Mais c'est une autre histoire.  Revenons à nos...lions.



Tiens !  Ils ont oublié d'enlever ce vieux panneau,
depuis 1960, sur cette vieille piste abandonnée...

Ca ne s'annonce pas bien : Nelly et Ernest, chez qui nous nous sommes arrêtés en chemin et qui nous accueillent à bras ouverts comme d'habitude, nous disent que la piste est fermée plus loin : un camion s'est renversé et la bloque complètement.

Nous passons la nuit chez eux, visitons la plantation de café, passons du bon temps.

Quelques véhicules passent dans l'autre sens, nous disent qu'ils ont dû faire demi-tour : la piste est complètement bloquée, et en plus il y a beaucoup de militaires armés et vindicatifs dans la zone.

Mais Ernest, en vieux broussard, connaît une autre piste, presque abandonnée : "Tu vas jusqu'à Tongo et puis tu continues tout droit" -"Mais la piste s'arrête à Tongo, non ?" -"Non, en fait plus personne ne l'emploie mais elle continue au-delà de la montagne et rejoint la piste principale, plus loin que l'accident".



Hem...  Bon...  On essaye.

Quelques heures plus tard nous sommes sur cette piste désertée, la Jeep renâcle un peu dans la montagne mais passe courageusement, dans la boue, par-dessus les coulées de lave, se fraie un chemin dans un tunnel de végétation par endroits...  Pas de village, presque personne tout au long de la piste...  J'essaie de me convaincre qu'on arrivera quelque part...

En chemin, au milieu de nulle part, un trésor : un vieux panneau "Parc National Albert" en français et en flamand, oublié là depuis l'indépendance il y a 30 ans !  Je l'aurais bien pris avec moi...  Il a sans doute été transformé en poële à frire depuis lors...

Alors que pour la dixième fois j'en étais à me demander s'il ne faudrait pas essayer de trouver un endroit pour pouvoir faire demi-tour sur cette "piste" trop étroite, plusieurs heures plus tard, nous avons émergé de la forêt sans crier gare et nous sommes retrouvés sur la piste principale, juste avant le poste de garde de Mabenga, à l'entrée de la Rwindi !

Les gardes, qui n'avaient pas vu un seul véhicule depuis plusieurs jours,
nous ont demandé "Ah, la piste est enfin dégagée ?" 
Lorsque je leur ai répondu que non, que nous étions passés par Tongo,
ils ont échangés quelques clins d'yeux entendus
("Mais ! Il est fou celui-là !  Et on doit le croire, peut-être ?")
avant de nous ouvrir la barrière...




Arrivée

OUF.  Ici nous sommes en sécurité, avec les lions et les hyènes ;)  Cette fois, puisque les coopérants de la CEE ne peuvent nous prêter leurs chalets, nous logeons et mangeons à l'hôtel de la Rwindi, tenus par des Italiens et renommé pour son accueil et sa cuisine à cette époque.

Nos petits bungalows sont confortables et nous allons pouvoir en même temps nous reposer et profiter du parc.

J'engage mon garde habituel, et dès le lendemain à l'aube nous sommes sur les pistes : en brousse, il faut sortir tôt !

Superbes Topis...


Premier lion !

Bon, c'est une vieille lionne un peu déplumée, mais quand même...

Et je peux très bien imaginer, pour les avoir ressentis quelques mois auparavant, les sentiments de maman, assise dans ma petite Jeep ouverte à tout vent, à deux mètres d'une lionne en liberté, avec le canon du fusil du garde par-dessus son épaule...



J'aurai la chance de pouvoir lui montrer des dizaines de lions, en groupe ou isolés, chassant ou dégustant une antilope, se reposant ou jouant avec les lionceaux...



De tous les animaux habitant cette région, ce sont vraiment les lions que je préfère.

Je les trouve fascinants, ces gros chats à l'air si sympathique, qui sont tellement puissants lorsqu'ils le veulent mais ne le laissent autrement paraître que par une impressionnante présence.

On voudrait les caresser, mais on sent en même temps que ce serait inapproprié et que le moindre geste en ce sens briserait l'affable tranquillité de Sa Majesté...



Bien sûr, Sa Majesté a des petits besoins comme tout le monde : c'est naturel !

C'est cela aussi qui fait la magie d'une réserve sauvage : on y voit les animaux vivre, libres, dans tous les aspects de leur vie quotidienne.

Ils ne font pas leur "show" pour les visiteurs :

Ce sont les visiteurs qui doivent, humblement et patiemment, s'adapter à leurs horaires, trouver le lieu qu'ils ont choisi pour chasser ou se détendre ce jour-là, et accepter que le lion n'ait peut-être pas envie de bouger son derrière pendant plusieurs heures...

Si vous vous étiez demandé pourquoi il y avait une tache humide sur la photo précédente...


Bon, bien sûr il y en a qui aiment poser pour la photo...  Serait-ce dû à la parenté de celui-ci avec les humains ;) ?

Non, non, ce n'est pas E.T. : c'est un babouin.

D'après moi, c'est le pire voyou de la jungle (voir la page Rwindi-2), mais il est tellement sympa ;)



Il y en a d'autres qui aiment faire le clown.

Je vous avais déjà dit que la conduite en brousse demandait de l'instinct et qu'il ne fallait pas foncer sans regarder, n'est-ce pas ?

En voici un autre bon exemple : n'essayez pas de passer cette petite flaque de boue en voiture, même avec un bon 4x4.

Vraiment, je vous le déconseille.



Son occupant n'apprécierait pas, je crois, et comme sur la terre ferme il court vite malgré ses trois tonnes, vous risqueriez de le regretter.

Votre voiture pèse combien ?

Moins d'une tonne, comme ma Willys ?

Une tonne et demi, comme un 4x4 moderne ?

Ridicule, de toute façon.



"Allez, M'sieur Hippo, soyez sympa :
un p'tit sourire ?"

"Non ?  Bon..."

"Tu vois, m'man, les bains de boue,
ça ne rend pas plus aimable !"

-"C'est vrai, fils, mais c'est bon pour la peau."

"Ah bon ?  Alors, on va se baigner aussi ?"

-"Heu...  Plus tard, fils, plus tard."



Pendant quelques jours, nous avons ainsi continué à aller observer les animaux sur les différentes pistes de la Rwindi, allant manger du poisson grillé à Vitshumbi ou de la viande sechée dans la montagne à Kanyabayonga...

Plaignant mon pauvre garde, assis sur ma réserve de diesel à l'arrière de la Jeep, puisqu'il n'y avait que deux sièges...  Je crois que ses fesses s'en souviennent encore !  Hé oui, une Jeep, c'est une Jeep...

Le soir ?  Au calme à l'hôtel, écoutant les animaux à défaut de pouvoir les voir...



Nous sommes ensuite allés voir les gorilles de montagne à Djomba, ce que je décrirai en détails sur la page "gorilles".

Nous avons donc passé plus d'une semaine en brousse, et si nous avions bien apprécié d'échapper à l'ambiance insurrectionnelle de Goma, nous étions bien fatigués.

C'est là que j'ai eu la très mauvaise idée, sur le chemin du retour, de vouloir offrir à ma chère Mouma la vision magnifique du coucher de soleil sur le Lac Kivu, vu depuis le volcan à la limite de la ville.  Nous nous sommes donc arrêtés au bord de la piste, à quelques kilomètres de Goma, pour assister à un coucher de soleil qui finalement s'est avéré décevant.

"Miam !  Très tendre, cette antilope !
Sûrement pas nourrie avec
des farines animales !
Viens, chérie, prends un steak !"


Ce n'était que le début de notre dur retour à la "civilisation"...  En descendant ensuite vers Goma après la tombée de la nuit, nous nous sommes fait arrêter par des militaires près de la plaine.

Il n'y a pas beaucoup d'hyènes à la Rwindi,
et elles sont assez difficiles à observer.

Si j'avais été seul, j'aurais foncé comme je le faisais d'habitude (les militaires et policiers arrêtaient les véhicules presque à chaque carrefour pour obtenir de l'argent, à cette époque).

Avec maman, pas question de prendre ce risque (je m'étais une fois fait emprisonner par un Sergent qui ne s'était pas écarté et s'était retrouvé sur le capot de ma Jeep).

Il a donc fallu payer, et pas un peu : "Mais patron, ta maman c'est aussi la nôtre, il faut être généreux pour ses enfants" etc.

Pff !  Bienvenue au Zaïre, maman !



La suite du séjour de maman à Goma ?

Bof, elle a tout vu...

Quelques visites aux alentours.  Des bons repas à La Michaudière.

Trois jours retranchés dans l'appartement à cause de nouvelles émeutes.

Une sortie le jour où elle devait prendre son avion, pour apprendre au bureau de la compagnie que l'avion avait été piraté par les émeutiers et emmené à Lubumbashi.

A la sortie de ce bureau, maman a retrouvé un vieux souvenir des années 1940 : le bruit des balles.  Nous avons sauté dans ma Jeep, et la route du retour vers chez moi étant coupée, j'ai foncé dans la première ruelle libre.  J'ai retrouvé, tout en fonçant, la rue où habitait Françoise, institutrice maternelle, et du haut de la rue j'ai commencé à klaxonner.  Sa boyesse a reconnu le klaxon de mon "beau tracteur rouge" et a ouvert les lourdes portes, juste le temps que nous nous engouffrions dans la parcelle.  Nous avons caché la Jeep sous la végétation, et...nous avons passé une très bonne fin de journée avec Françoise.

Quelques jours plus tard, dans le calme revenu,
maman a pu prendre un avion pour rentrer en Belgique...

Résultat ?

Maman était rassurée sur le sort de son fiston !

La guerre, les coups de feu : pas important.  Ce qui comptait pour elle, c'était d'avoir vu où je vivais et d'avoir constaté que, dans toutes ces histoires, j'étais assez prudent.

Chers collègues expatriés, n'oubliez jamais cela : même en pleine guerre, maman sera rassurée si elle peut vous voir.  Ah, un dernier conseil comme dirait Lambillon : quand il vous arrive quelque chose, même un simple rhume, écrivez-le lui après.  Pas pendant.  Si c'est du passé, la réaction est "Ah, bon."  Si par contre c'est actuel, elle prend un ticket d'avion sur ses p'tites économies.

A bon entendeur...

 

Dernière page "Congo" : Les gorilles de Djomba





Page créée le 16 juin 2001 -  Mise à jour le 16 juin 2001

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