Une petite ville sympa
(NB : ces informations datent de 1991
- pour l'éruption du volcan en 2002, voir en bas de page)
Goma
se situe à l'extrême Est du Zaïre (actuellement "République Démocratique
du Congo"), au nord du Lac Kivu, à la frontière avec le Rwanda. De
l'autre côté de la frontière se trouve sa ville "jumelle" : Gisenyi,
où normalement nous allions faire quelques courses, mais surtout chercher le courrier
ou téléphoner - choses difficiles voire impossibles du côté zaïrois. Malheureusement,
la frontière a rapidement été fermée, suite à l'invasion du Rwanda par des rebelles
venus d'Ouganda...
Goma est une ville moyenne (environ 300
000 habitants à l'époque si je me souviens bien), composée d'un centre assez agréable
(photo ci-dessus) et de faubourgs.
Route de l'aéroport | Au
Nord, quelques manufactures, des commerces et la plaine (aérodrome) le long de
la route vers la Rwindi. Si on continue quelques centaines de kilomètres,
on peut rejoindre l'Ouganda. |
A l'Est, des
beaux quartiers et quelques hôtels avant d'arriver à la frontière avec le Rwanda,
seule "réelle" porte de sortie en cas de troubles, fermée plus tard.
Au
Sud, le Lac et l'ancienne résidence du président, occupée par des militaires.
A
l'Ouest on passe à côté de l'énorme "cité" où vit la majorité de la
population zaïroise, puis on oblique vers le Sud en contournant le lac.
On passe alors par la nouvelle résidence présidentielle (amusant : la route est
éclairée et asphaltée de l'aéroport à la résidence, pas ailleurs ;)) puis par
des beaux quartiers de villas au bord du lac, par le très bel hôtel Karibu, enfin
on arrive à la Base Canadienne : base civile pour les coopérants canadiens, nombreux
à Goma (on y jouait au volley-ball le dimanche). Si on continue sur cette
route, on va vers le Lac Vert (voir page "balades") les Masisi (superbe
région ! Voir également la page "balades"), puis on peut rejoindre
Bukavu au sud du lac et plus loin, Bujumbura au Burundi.
Dans le centre de GomaOn
trouve de tout : la poste (qui fonctionnait tant bien que mal), des banques, et
des commerces. Beaucoup de ceux-ci étaient tenus par des
pakistanais et on y trouvait beaucoup d'articles, mais de façon irrégulière à
cause de la guerre et des pillages lors des émeutes. Lorsqu'il y avait de
la viande ou du fromage, il valait mieux en acheter une bonne quantité...au risque
de tout perdre avec la prochaine coupure de courant ! Autre
raison : le taux de change, qui était de 12 Zaïres/BEF lorsque je suis arrivé,
est passé en un an à plus de 900 Zaïres/BEF ; et avec la rumeur persistante d'une
démonétisation, les prix dans les magasins changeaient parfois deux fois par jour
! |
Dans
les petites rues autour du centre |
Lorsque je touchais
mon salaire à l'école, je me précipitais donc dans les magasins pour en dépenser
le plus possible, sachant que dès le lendemain ces billets sales et puants vaudraient
beaucoup moins ! On y trouvait aussi des produits européens (charcuteries et
fromages en boîtes, pâtes, vins...) mais ceux-là étaient hors de prix : il s'agissait
donc d'apprécier les produits locaux.
C'est d'ailleurs à Goma que j'ai pris
l'habitude de boire mon café sans lait et sans sucre ;) car le sucre était cher,
et il n'y avait pas de lait à part le "Nido" (lait en poudre).
Heureusement, j'avais un très bon cuisinier !
Les produits luxueux que je
me suis payés ? Une télévision neuve et un magnétoscope d'occasion, des
bons pneus pour la Jeep ; une petite bouteille de champagne et une boîte de pâté
pour le nouvel an.
L'approvisionnement en eau était aussi un gros problème
: même bouillie 30 minutes puis filtrée deux fois, l'eau du robinet était infecte
et dangereuse car puisée directement dans le lac, où se déversaient les égoûts
et où il n'était pas si rare, même avant le plus gros de la guerre, de voir un
cadavre flotter... Ajoutons qu'il s'agit d'un lac volcanique dont les émanations
tuaient parfois des nageurs qui se trouvaient au mauvais endroit, au mauvais moment.
Et comme les sodas locaux (Coca, Fanta...) étaient écoeurants et à base
de cette même eau, on comprend que ceux qui avaient les moyens se rabattaient
sur le Whisky, les autres sur la bière...
Mon
Temple ! (au premier plan, une amie et maman d'élève) | EchappatoireFace
à tous ces problèmes d'approvisionnement, et particulièrement lors des longues
soirées sans électricité, j'avais trouvé un endroit où je pouvais bien manger,
en bonne compagnie et pour pas trop cher (j'avais un très petit salaire !) : La
MichaudièreJ'y étais allé le lendemain de mon arrivée
et y avais rencontré Mussa, le nouveau gérant qui venait d'arriver de Kinshasa
où il avait dû laisser femme et enfants. Dans l'adversité
(nous débarquions tous les deux et ne connaissions presque personne) nous avons
noué une amitié très profonde, même si nous avons perdu le contact après mon départ
et avec la guerre. Je ne sais pas s'il a survécu, car il était employé par
un général de Kinshasa... |
Mais Mussa a toujours
été là quand j'y étais, et si je pense le lui avoir bien rendu je n'oublierai
jamais les risques qu'il a parfois pris pour moi (jusqu'à me proposer une arme
pour me défendre, ou me prêter sa "phonie" pendant plusieurs mois).Bref...
J'étais un habitué de "La Michaudière", plus que du "Nyira"
que tous les expatriés fréquentaient assidûment. J'y allais de temps en
temps quand même, notamment parce que les patrons (Raoul et Mitzi) étaient très
sympas, mais en général tout le monde savait où me retrouver... A "La
Michaudière" j'avais un chouette café-terrasse en plein centre où je pouvais
rencontrer toutes sortes de gens (pas seulement des expatriés) et passer un bon
moment.
Sourire
quotidienVivre à Goma dans les années 90 n'était pas toujours
drôle (l'est-ce maintenant ???) aussi vous comprendrez que chacun y cherchait
des occasions de se dérouiller les zygomatiques... C'est
une entreprise de pompes funèbres qui nous y aidait le plus, sur la route de l'Ouest... Observez
bien la photo (agrandissez en cliquant dessus au besoin) et repérez son nom :
tellement vrai...;) |
Puuub
! |
La débrouille
Quand
on vit dans une petite ville du centre de l'Afrique, au beau milieu des troubles,
de la guerre civile et des calamités naturelles, on apprend vite à se débrouiller.
Exemple ?
Le carburant a été rationné dès le mois d'octobre 1990 : lorsqu'un
camion citerne arrivait à passer, il allait d'abord approvisionner les militaires.
Le reste éventuel était d'abord vendu aux "prioritaires" (entreprises
d'état, entreprises importantes...) et s'il en restait il allait aux pompes, où
se formait alors une file de plusieurs centaines de voitures. Une partie
du carburant "prioritaire" était revendu au marché noir, mais souvent
coupé d'eau ou d'alcool, et à des prix...
Pourtant je n'ai jamais manqué
de carburant : je le recevais à la demande, par fûts de 200 litres à domicile...
En échange de services à la famille du chef pompiste ;)
Du troc, quoi.
J'ai d'ailleurs échangé le dernier fût contre la location d'une camionnette, juste
avant mon départ, pour aller prendre les photos dont vous avez vu quelques exemplaires
sur cette page en toute quiétude (ou presque : j'ai quand même été agressé au
marché) !
C'est de la même façon que j'avais des cassettes vidéo pour les
longues soirées zaïroises (à Goma, le soleil se lève imperturbablement à 6h et
se couche à 18h, toute l'année).
Ceci dit, ne vous imaginez pas que tout
se paie à Goma : j'ai tant reçu (et donné aussi) gratuitement, tant apprécié la
générosité et la spontanéité de la majorité des Zaïrois et aussi d'expatriés au
Zaïre... Je ne suis resté qu'un an à Goma, mais il me faudrait bien plus
d'une page pour vous dire comme j'ai été à la fois arnaqué (mais toujours franchement
et avec le sourire) et en même temps accueilli, invité, nourri... Là se
trouve certainement une partie de la magie envoûtante de l'Afrique !
Carte
de la coulée de lave du volcan Nyiragongo en janvier 2002 sur Goma,
R.D. Congo :
| Février 2002Eruption
du NyiragongoComme vous le savez, j'ai quitté Goma
en 1991. Cela ne m'empêche pas de me tenir au courant, notamment grâce
aux amis que j'y ai encore. 17 janvier 2002Ce
jeudi matin, le volcan s'est réveillé après une vingtaine
d'années de calme relatif. En soirée, une coulée de lave
de parfois plusieurs centaines de mètres de large et 6 mètres de
haut traversait le centre ville et se jetait dans le lac Kivu. La
majeure partie de la population s'est réfugiée au Rwanda voisin
mais n'y est pas restée longtemps : dès la fin de l'éruption,
trois jours plus tard, les gens sont revenus pour constater les dégâts
du volcan...et des pillages qui ont suivi. Sur la carte ci-contre,
on voit bien le trajet de la coulée principale, en rouge. Un tiers de la
piste de l'aéroport a été recouverte, tout le centre ville
(1e et 3e photos de cette page), ainsi qu'une partie de la "cité"
et du quartier résidentiel du sud. |
La lave
s'est par contre arrêtée à 3 mètres de chez moi (voir
la page "Chez moi", avec une
photo du volcan en 1991), et "La Michaudière" (4e photo de cette
page) a bénéficié de la même chance. L'Ecole
Belge y a échappé aussi, à moins de 100 mètres
près...
Mon ami Rénato, lui, fait partie
de ceux qui ont tout perdu : vous le voyez sur cette
photo de Giancarlo Davite (ainsi que la suivante,
voir les dizaines de photos de Goma fin janvier ici),
sa maison mais aussi son entreprise ont été
entièrement recouvertes par la lave, avec toutes
ses affaires, ses véhicules... Il en est sorti
avec les vêtements qu'il portait, dépouillé
même de son passeport.
|
|
| Un autre ami, papa d'un ancien élève,
y a perdu sa maison et ses entrepôts tandis que son magasin était
épargné... On le voit sur cette autre photo
de Giancarlo Davite, le centre de Goma où se trouvaient la très
grande majorité des commerces a été envahi par la lave, provoquant
des incendies monstrueux suivis du pillage du peu qui restait... Les
habitants de Goma ont-ils encore des larmes pour pleurer sur les malheurs qui
les accablent sans répit depuis de si longues années ? Pourront-ils
enfin connaître un répit bien mérité, dans cette région
superbe ? Je le souhaite de tout mon coeur... Je pense bien à vous tous,
chers amis, collègues, anciens élèves... |
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