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Congo :

Ma classe de 1e année (CP)





Vous avez certainement déjà lu la page "école", pas vrai ?

Je continue donc avec ma classe là où je l'avais laissée, c'est-à dire le premier jour :

la fameuse réunion venait de se terminer.


Ma classe et moi le deuxième jour
C'est une tradition allemande : mon élève allemand 
(le petit blond avec le grand cornet en papier)
a apporté des bonbons  et sa maman a pris une photo.

16 schtroumpfs

M'attendaient devant la porte de ma future salle de classe, encore vide, et moi, je ne m'attendais pas du tout à tout cela...

J'étais même très ennuyé car je n'avais que 16 élèves et ma mémoire : pas de matériel, pas de livres...  Ce jour-là je n'avais même pas de cartable, de cahier ou de stylo !

J'ai donc improvisé le reste de la matinée avec mes 16 têtes blondes -euh, enfin, vous voyez ce que je veux dire- avides d'apprendre.

Ils étaient de 9 nationalités différentes (zaïroise, rwandaise, burundaise, pakistanaise, coréenne, allemande, italienne, belge et québécoise) et si cela m'a un peu inquiété aussi, ça s'est avéré tellement enrichissant... 




Heureusement, nous avions donné congé aux élèves pour l'après-midi.  J'ai donc pu m'organiser pour préparer quelque chose de plus consistant pour le lendemain.  Le samedi suivant, je passais la frontière du Rwanda, non pas pour m'enfuir mais pour aller téléphoner en Belgique et demander qu'on m'envoie du matériel complémentaire.  Le dimanche, je fouillais les réserves de l'école à la recherche d'un peu de matériel que nos prédéceseurs avaient laissé.

Les premiers jours ont été un peu "brouillon" mais je me suis rapidement mis dans le rythme de la 1e année, et à partir de la deuxième semaine nous étions sur les rails d'une belle année scolaire sans histoires.  Hahaha !  Elle est bien bonne, celle-là.



16 octobre 1990

Un mois et demi après la rentrée, j'étais bien habitué à la "routine" de l'école.  Trois jours avant mon 24e anniversaire, j'étais de plus un peu "béat" (oui-oui, ça m'arrive) et enfin, je sortais de table en ce début d'après-midi et je regardais les papillons près de l'entrée de l'école tout en effectuant ma surveillance de la plaine, accueillant les élèves qui revenaient de leur temps de midi à domicile.

Lorsqu'il a commencé à pleuviner quelques minutes avant 14h, je ne me suis donc pressé vers ma classe que parce que mes élèves attendaient bien sagement en rang devant la porte.  Le temps que je franchisse les 50 mètres qui nous séparaient et que j'ouvre la porte avec ma gigantesque clé, nous étions tous trempés...

Bah !  Nous étions alors bien à l'abri.

Pourtant, le vent qui s'est levé a commencé à nous inquiéter, surtout par la rapidité avec lequel il a augmenté en force.  Dehors, c'était à présent un vrai déluge, et c'est trempée et dégoulinante qu'une amie et maman d'élève est entrée et m'a dit "Viens, il faut sortir de là !  Viens avec les enfants dans le grand bâtiment !"

Là, je n'ai plus réfléchi...  Je lui ai répondu (tant bien que mal car le vent faisait un bruit d'enfer) "Non !  C'est trop risqué !" et elle est sortie pour rejoindre le bâtiment principal.

En fermant la porte avec difficulté, j'ai alors vu une très grosse branche se fracasser derrière elle, qui courait, et n'ai pu m'empêcher d'imaginer que nous aurions été à cet endroit si nous étions sortis...

Sans crier mais d'un ton visiblement efficace, j'ai dit à mes élèves "tout le monde sous les bureaux !" et immédiatement, tous mes schtroumpfs se sont mis à 4 pattes sous leurs bureaux, de grosses tables en bois aux pieds énormes.

Pendant les quelques secondes qui ont suivi, j'ai vu mes élèves gigoter et rigoler sous leur bureaux et je me suis demandé ce qui m'était passé par la tête !



CRAAAAAAACK !

Pas le temps d'y réfléchir plus longtemps : j'ai moi-même plongé sous un bureau, et le monde s'est écroulé autour de nous.

D'abord un bruit de craquement sur le côté, puis au-dessus de nous, ensuite des objets qui tombaient sur les tables qui nous protégeaient, enfin des torrents d'eau qui s'abattaient sur nous : le gros arbre qui se trouvait à l'entrée de notre classe avait été déraciné par la tornade qui était passée et s'était abattu directement sur le pauvre petit bâtiment.

Nous sommes tous sortis indemnes, avons appelé les parents, avons rassuré les enfants (certains en ont fait des cauchemars pendant des mois) et les avons renvoyé chez eux.

Moi je suis rentré chez moi, j'ai descendu une demi-bouteille de whisky (moi qui déteste les alcools forts) et puis je suis revenu à l'école pour constater les dégâts.

Bel exemple de solidarité : deux entreprises de construction appartenant à des expatriés, dont un n'avait aucun lien avec l'école, ont immédiatement envoyé des hommes et du matériel (bulldozer, élévateur, tronçonneuses, échafaudages...)

Ils ont travaillé dur (et pris d'énormes risques) pour dégager l'arbre et sécuriser la plaine de jeu.

Après avoir retiré l'arbre, un des ouvriers poussera sur les murs pour tester leur résistance.  Il a bien failli y rester : il ne restera rien au dessus des appuis de fenêtres...


Dans ce qui restait de la classe, juste avant qu'on ne la détruise, j'ai retrouvé plusieurs blocs de béton sur les bancs, là où les enfants se seraient trouvés s'ils n'avaient pas été sous les bureaux...

Bien entendu, tout le matériel (cahiers, livres, affiches, meubles...) était bon pour la poubelle.



L'ancien consulat belge, qui nous servira de salle de classe pendant la reconstruction de la classe détruite (trois mois).

Il fallait donc tout reconstruire, sale coup pour l'école qui n'était plus soutenue par la coopération belge.  C'est ma très chère amie Danièle qui s'est mise à l'ouvrage avec les ouvriers de son mari, et qui y a perdu plus d'un cheveu.

En attendant, je me suis installé avec mes schtroumpfs dans l'ancien consulat après avoir signifié leur congé aux cancrelats qui gardaient l'endroit depuis des années.  La salle était tellement petite que je ne pouvais pas passer entre les bureaux !

Cinq jours après la tornade, nous reprenions donc les cours.  Bien sûr, les élèves étaient encore un peu "choqués" (moi aussi d'ailleurs).




Vous comprendrez donc notre grand déplaisir le 20 novembre, en début d'après-midi, lorsque la terre a commencé à trembler...  Autre calamité, autre action : "tout le monde dehors !" ai-je dit, et une fois de plus les élèves m'ont obéi, je dois vraiment être très convaincant ;)

Là vous ne me croirez sans doute pas (non plus ?) mais tant pis : au plus fort du tremblement de terre, tandis que le petit consulat à côté duquel nous nous trouvions "descendait", j'ai vu le bâtiment principal "monter" à la hauteur de nos fenêtres, alors que normalement les deux bâtiments étaient au même niveau !  C'était mon premier (et dernier à ce jour) tremblement de terre, et j'en garde une impression très intense : comme si le bon plancher des vaches devenait une mer déchaînée, faussant tous les repères...  Ca n'a pas duré longtemps, mais vous pensez bien que pour mes élèves,
1e année + guerre + émeutes + tornade + tremblement de terre
ça devenait...beaucoup.

Quant aux ouvriers qui reconstruisaient ma classe précédente, ils n'ont pas apprécié non plus.

Mentionnons enfin que mon appartement fut un vrai chantier, de grosses fissures étant apparues, et toutes les armoires (qui étaient pourtant fermées avec des verrous !) s'étant vidées de leur contenu...

Vous en voulez encore ?  Le 2 décembre : inondations ; du 5 au 8 décembre : émeutes et pillages ; 12 décembre : inondations ; etc.




OUF

Ma classe est reconstruite (en janvier si je me souviens bien) et je peux la réintégrer avec mes schtroumpfs : elle est beaucoup plus belle et mieux aménagée qu'avant, on va pouvoir se remettre sérieusement au travail et rattraper le temps perdu.

Il faut que ces élèves apprennent à lire, écrire, les 4 opérations...  Je dois respecter le programme belge !  De plus j'ai quelques élèves un peu plus faibles, et un élève malentendant.

Ma "nouvelle" classe.



Mignons, hein ?

Au travail !

J'avais une classe formidable et j'étais plein d'entrain, ce fut donc "facile" (waf-waf, elle est bien bonne aussi, celle-là).  Nous avons terminé l'année en ayant vu tout le programme, à fond, et j'avoue que j'en suis fier.  Fier des enfants aussi, qui m'ont suivi dans toutes ces péripities au jour le jour sans broncher.  Quelle aventure !

Un regret ?  N'avoir pas été mieux formé à l'école normale concernant les troubles de l'apprentissage.  J'avais deux élèves dyslexiques et je ne m'en suis pas rendu compte.  Sans l'aide de Suzanne, institutrice expérimentée arrivée plus tard dans l'année, ces élèves auraient traîné ces difficultés pendant longtemps... 




Heureusement, de nombreux stages en première année m'avaient appris l'ABC de cette année primordiale, de "comment apprendre à un élève à tenir correctement son crayon" jusqu'à "que faire avec un élève qui a planté son crayon dans la main de son voisin" (ce coup-là m'a quand même valu une bonne engueulade car le petit troublion, que j'ai puni de "deux jours au coin lecture" était le fils d'un des plus hauts notables de la ville ;)) en passant par "comment expliquer à la classe que Hussein (un des élèves) n'est pas responsable de la guerre du Golfe et que Saddam Hussein, lui, ne viendra pas jusqu'à Goma" (les profs et moi suivions la Guerre du Golfe sur CNN grâce à ma télé de poche, sur piles, pendant les récréations).

Angéliques, pas vrai ?





Je suis resté en contact avec quelques élèves.
Trois d'entre eux m'ont déjà retrouvé et recontacté grâce à ce site :o)
Les parents québécois, eux, m'avaient invité au Québec en 1992...

Une année formidable !

 

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Page créée le 12 mai 2001 -  Mise à jour le 31 janvier 2002

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