La clé
    
 Ma 
Jeep au pied d'un volcan | 
                           du paradis que représentait pour moi 
                            la région de Goma était ma Jeep Willys  (vous la 
                            verrez mieux sur d'autres pages). 
                          Mon prédécesseur l'avait 
laissée à Goma car sa femme la détestait  (elle n'arrivait pas à la conduire 
et la trouvait trop inconfortable), et j'ai donc dû attendre que Marc repasse 
à Goma pour lui racheter cette "vieille guimbarde", seul véhicule que 
je pouvais me payer  (et encore, il m'a fait crédit !) Le 
25 septembre 1990 fut ce jour béni, où en plus de recevoir ma première lettre 
 (d'un de mes anciens profs) et mes malles  (torturées dans le trajet), 
j'ai eu les clés de cette petite bagnole extraordinaire que je regrette encore 
d'avoir dû revendre sur place.  | 
 
 C'était une Jeep 
Willys modèle CJ3B des années 60, motorisée par un Perkins diesel de 2 litres.
L'embrayage 
n'était pas synchrone, donc il fallait user du "double débrayage" : 
débrayer et embrayer une fois pour dégager la vitesse en cours, et rebelote pour 
engager la vitesse suivante.  Mais je me suis rapidement habitué, au bruit 
du moteur, à pouvoir le faire en une seule fois sans faire gémir la boîte...la 
plupart du temps.
Au moment où je l'ai achetée, elle était déjà équipée 
d'une bâche fabriquée sur mesure en Belgique.
J'ai personnellement remplacé 
les pneus, usés jusqu'à la corde et crevant tout le temps, par des pneus spéciaux 
très résistants  (Goma est une région volcanique et les pneux normaux n'y survivent 
pas plus de 5000 km)  ; soudé une malle métallique à la place du siège arrière 
pour y stocker du carburant et des outils lors de mes balades en brousse ; soudé 
des grilles de protection sur les feux ; soudé un arceau de protection en cas 
de retournement  (quelques jours avant que cela ne m'arrive d'ailleurs) 
; et enfin j'ai fait refaire les sièges par mon amie Danièle.
A part cela, 
cette Jeep n'a nécessité aucun entretien, fidèle et forte comme un tracteur dont 
elle faisait le bruit...  Ce qui lui a rapidement valu le surnom de  "mon 
beau tracteur rouge".
Surnom éphémère car cette Jeep avait déjà 
une histoire  (deux personnes m'ont déjà contacté pour me dire "Hé !  
C'est ma Jeep sur cette photo !  Je l'avais en 198...") et a continué 
sa route : peu après mon départ, une amie a vu "ma" Jeep sortir un camion 
(!) du potopot où il était englué.  Personnellement, je n'ai aucun doute 
qu'elle ait pu le faire.  Je vous en dirai plus sur les aventures que nous 
avons vécues au fil de ces pages.
Mais si vous voulez en savoir plus sur 
la Willys, allez voir le 
site de Derek Redmond : son site (en anglais) est tout simplement extraordinaire 
et probablement la meilleure source sur le sujet (le lien mène à 
la page où il a référencé ma Jeep, mais le site est 
bien plus complet que cela).
   
 Première sortieJe ne 
pouvais pas attendre... Cinq jours après l'achat de la Jeep, 
quelques vagues indications en tête  (pas de carte, pas de guide...) j'ai 
pris la piste vers le sud et, tant bien que mal, j'ai trouvé le Lac Vert à  
je-ne-sais-plus-combien de kilomètres. Ce lac s'est formé 
dans le cratère d'un volcan  (il y en a beaucoup autour de Goma), la région 
est peu habitée mais il y a deux villages sur ses flancs. C'est 
là que j'ai découvert pour de bon l'Afrique et sa magie, que j'ai pris mon pied 
 (douloureux à cause de l'embrayage de la Jeep), que je suis tombé sous 
le charme du Kivu...  |    
 Le 
Lac Vert vu du sommet du volcan | 
 
 
  
  
 Ces 
pirogues naviguent peu... |   Mais pas 
jusqu'à la folie quand même : j'ai eu la chance d'observer le processus de fabrication 
de la bière de bananes avant qu'on m'en propose, ce qui m'a poussé (étrange, 
étrange) à refuser poliment même si nos ancêtres en faisaient autant avec 
les raisins : Les bananes sont épluchées, entassées dans 
une pirogue  (voir ci contre) puis...écrasées avec les pieds (pas toujours 
propres ni sains).  Le jus ainsi extrait est fermenté avant de régaler 
le palais de ceux qui osent...  Pas moi. J'avais fait 
mon premier plein de souvenirs, d'images et d'expériences, j'ai donc repris la 
piste du retour, en crevant un seul pneu heureusement. J'aurais 
pu rouler sur les jantes, bien sûr, mais...  | 
 
 
  N'gunguJ'avais 
la chance de compter parmi mes nouveaux amis des grands propriétaires terriens 
dans les Masisi, chaîne de montagnes au sud de Goma. J'ai 
donc été invité, avec d'autres amis, à passer un week-end à N'gungu, surnommé 
 (comme beaucoup d'autres endroits, notamment en Louisiane et au Vietnam) 
la "Petite Suisse". Non sans raison : d'abord, 
N'gungu est très difficile d'accès et je me souviendrai toujours des villageois 
qui nous faisaient payer pour mettre des planches sur les traverses d'un pont 
détruit afin que nous puissions passer avec les 4x4 (belle palabre pour qu'ils 
remettent les planches pour le deuxième 4x4 sans faire payer à nouveau), ensuite 
parce que ses paysages étaient tout simplement époustouflants de majesté, de splendeur, 
de...  |    
 Un 
petit coin de paradis dans les Masisi | 
 
  
  
 Dans 
les montagnes |   Notre hôte zaïrois nous 
y a reçu dans une superbe et luxueuse ferme rappelant les fermettes brabançonnes, 
nous a emmené voir une partie des 150 chevaux de race qu'il élevait dans ces montagnes 
 (avec des techniques d'insémination artificielles de pointe, en plein coeur 
de l'Afrique !), et nous a également emmené lors d'une de ses tournées dans 
les villages avoisinant, où, par exemple, nous l'avons vu régler un conflit entre 
deux familles qui menaçaient de s'entretuer, par sa simple autorité de grand propriétaire. Impressionnant... Epoustouflant... Impossible 
à rendre en photos...  | 
 
 
 
  
  KanyabayongaA 
environ 150 km au Nord de Goma se trouve une autre chaîne de montagne, juste après 
le parc de la Rwindi. Si l'on a un peu de courage, on franchit 
ces montagnes pour se retrouver de l'autre côté, à Kanyabayonga. Avec 
la Jeep, en étant un tant soit peu prudent, cela ne poserait aucun problème, si 
d'autres fous n'essayaient pas de franchir ces montagnes avec leur camions ou 
leurs voitures normales... Soyons donc doublement prudent...  |  
  
 En 
piste ! Celle-ci est exceptionnellement bonne ! | 
 
 
   
 Et 
on n'est pas encore au sommet... |   Même 
si cela n'épargne pas d'une bonne prière. Croisant des camions 
bariolés, bourrés de marchandises, avec des "passagers" sur le toit 
et leur bagages  (il n'est pas rare que certains tombent en route, tant pis 
pour eux...) Contournant des voitures, ou pire des camions, 
embourbés et carrément renversés, parfois tellement enfoncés dans la boue qu'il 
est impossible de les sortir avec les moyens locaux et que la "piste" 
se déplace petit à petit sur le côté, quand c'est possible. On 
m'a raconté l'histoire d'un camion tellement enfoncé et coincé qu'il a été abandonné, 
puis que les villageois ont ensuite comblé de terre les trous à l'avant et l'arrière, 
faisant des "rampes" pour que les véhicules suivants puissent passer 
par-dessus !  Je ne sais pas si cette histoire est vraie, mais je peux la 
croire.  | 
 
 
 
   
 EnfinAu bout de cette 
route  (qui est loin d'être la pire malgré ce qui précède) on arrive dans 
le village sympathique de Kanyabayonga. Je me souviens d'un 
village dédié aux "routiers"  (nombreux à faire la pause ici), 
d'un petit restaurant accueillant dont les murs étaient consacrés à la propagande 
de Mobutu, mais surtout de paysages qui faisaient oublier la route... Ma 
chère maman, que j'ai osé emmener plus tard à ce même endroit, ne dira pas le 
contraire.  |    
 Waow... | 
 
 
 
 
 
 
Le volcan Mikeno, près de Goma
 
 
 Tongo, les chimpanzés 
géants
Aïe...
Pas de photo  (pas une seule !) pour ce chapitre, 
celui qui me laisse pourtant les souvenirs les plus marquants ou presque.  
Voyez-vous, il faisait très sombre dans cette forêt.  La plupart des photos 
qui ont survécu à l'humidité et à la chaleur de cette balade sont donc floues 
ou trop sombres.
Quelle épopée...  J'étais parti de Goma de bonne heure 
pour rejoindre la partie basse de Tongo, à 80 kilomètres -trois heures de piste- 
environ, dire bonjour à un ami zaïrois, puis continuer la montée assez raide vers 
la fermette en construction d'autres amis zaïrois, parents d'élèves, qui m'avaient 
invité dans leur plantation de café.  Excellente après-midi et soirée.  
Le lendemain matin, comme convenu, ces gens formidables  (je ne les ai sûrement 
jamais assez remercié) m'ont réveillé vers 4h du matin et servi un solide 
petit déjeuner avant que je démarre pour la visite aux chimpanzés géants.
C'est 
la seule fois où la Jeep m'a contrarié : elle ne voulait pas démarrer, dans le 
noir tout là-haut sur cette montagne humide, en plein brouillard...  Je l'ai 
donc démarrée en la laissant descendre le début de la piste.  Pourtant, il 
s'est avéré ensuite que je n'avais pas besoin du moteur...
La piste s'était 
en effet copieusement "humidifiée", et pour autant que ma mémoire soit 
fiable, je n'ai  jamais eu aussi peur de ma vie :
J'ai glissé avec 
la Jeep, il n'y a pas d'autre verbe adéquat, jusqu'en bas de la montagne, dirigeant 
à grands renforts de coup de volant instinctifs ma Jeep sur la "piste" 
 (un fleuve de boue à ce moment) en voyant les ravins par "flashes" 
intermittents sur le côté gauche et la montagne sur la droite au travers d'une 
purée de pois certainement digne du smog londonien...
Je ne sais plus comment 
j'ai réussi à nous arrêter en bas, mais je me souviens bien de la suite...
 
Les chimpanzés géants, enfin
En bas de la montagne, j'ai rencontrés 
les deux militaires, grands et costauds, qui allaient m'emmener voir les chimpanzés.  
Laissant une fois de plus la Jeep sur une piste perdue au milieu de nulle part 
(façon de parler), nous nous sommes enfoncés dans la forêt.  J'ai 
bien cru que j'allais y rester.
Non, non, pas de chimpanzés mangeurs d'hommes, 
pas de maquisards armés jusqu'aux dents, pas de tornade...  Seulement la 
forêt.  Tropicale.  Les deux militaires communiquaient par "phonie" 
avec des collègues pour essayer de trouver les chimpanzés. Nous avons marché plus 
de 6 heures, et j'ai cru que mon coeur "d'athlète" (d'après mon toubib) 
allait lâcher.  Les militaires étaient frais comme des roses, ouvraient le 
chemin à la machette, et moi je n'en pouvais plus.  Escalader un arbre couché 
en travers.  Ramper sous un autre.  Monter.  Descendre.
                    Et puis...  Enfin... Apercevoir les fameux chimpanzés 
                      géants.  Les observer, les voir vivre en liberté, bien 
                      protégés par cette épaisse "jungle" dont il ne 
                      restererait rien qu'une immense plaine désertique après 
                      l'épisode des réfugiés (plus d'un million) du Rwanda 
                      en 1994.  J'ai été très, très soulagé de retrouver 
                      je siège défoncé de ma Jeep plus tard ce jour-là.  
                      Et très, très heureux d'avoir eu la chance de voir ces grands 
                      singes de près.  A nouveau, un sourire béat éclairait 
                      mon visage...sale, ce jour là ;)
                     
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                      brousse à la Rwindi