L'article
qui suit vient du Courrier
du Vietnam, le seul quotidien officiel francophone du pays.
Il
m'a particulièrement touché, et la rédaction du Courrier
m'a gentiment autorisé à le reproduire ici pour notre plus grand
plaisir. Si j'ai la chance de visiter un jour cette école flottante, je
vous en ferai part ici aussi. Bonne lecture !
Une
classe au large de la mer
La baie de Ha Long dans la
province de Quang Ninh (au nord-est du pays) abrite de magnifiques grottes et
cavernes qui constituent l'un de principaux attraits touristiques. Mais aussi
une petite école "flottante" au milieu de la baie.
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Une école qui, semble-t-il, ne ressemble à aucun
autre établissement scolaire. Une école où les enseignantes
et leurs élèves travaillent sans heure fixe. Les horaires varient
selon la météo et le rythme de la vie aventureuse des pêcheurs.
Une école primaire qui flotte au milieu de la baie, accueillant spécialement
les enfants de pêcheurs, de 6 à 17 ans. Une école dont l'infrastructure
se résume à un simple radeau en bois, flottant toute l'année
dans la baie de Ha Long, à environ 25 km du rivage. |
Cette école a été
créée il y a trois ans, avec huit institutrices. Toutes sont encore
très jeunes - la plus âgée, Nguyên Thi Luong, n'a que
24 ans. Elles partagent un réduit de 10 m² qui leur sert à
la fois de cuisine et de chambre. L'"établissement scolaire flottant"
se divise en trois pièces : la première est réservée
à la classe ; la deuxième est à la fois la cuisine et la
chambre des enseignantes, et le reste sert de toilettes.
"Tous
les déchets sont jetés à la mer", explique Luong en
enlevant l'une des pièces de bois du plancher pour "rendre" à
la mer les restes des poissons qu'elle vient de dépecer pour leur repas.
Chacune touche la modique somme de 400.000 dôngs par mois, ce qui est tout
juste suffisant pour payer les trajets en bateau pour retourner sur la terre ferme.
La
vie professionnelle de ces enseignantes n'est pas des plus faciles. Restant jour
et nuit sur le radeau, les jeunes filles fragiles doivent s'acclimater aux oscillations
de mer. Pas d'électricité, elles préparent leurs cours à
lueur des lampes à pétrole. Mais personne n'a abandonné son
poste. "Je ne veux pas quitter les enfants à qui je m'attache depuis
trois ans. C'est l'amour du prochain qui me pousse à rester", confie
Luong.
Des lampes à pétrole allumées
toute l'année
Le temps est souvent capricieux dans cette
région maritime. À l'approche d'une tempête
ou d'un orage, le jour s'obscurcit brusquement. Il pleut
alors à verse. L'unique fenêtre de la classe
doit être fermée. Les enseignantes et leurs
élèves vivent dans la crainte qu'une bourrasque
de vent n'emporte le matériel de cette maison flottante,
et que le courant, à son tour, n'emporte le radeau.
Ne s'habituant pas aux ténèbres, les enfants
crient et les plus petits pleurent. Alors, les institutrices
doivent avoir recours à des lampes à pétrole,
et ce presque toute l'année.
L'école est un radeau. D'autres
radeaux, plus petits, servent de moyen de transport
pour les élèves. Leur capacité
varie de cinq à dix enfants, de tailles et
d'âges différents. Il y a quelques jours,
une partie du plafond de la classe, couverte de papier
goudronné, a été arrachée
par un violent coup de vent. La classe est depuis
lors ouverte aux vents et aux pluies. Mais aujourd'hui,
il fait beau. Une dizaine d'ados de 15 à 17
ans apprennent ensemble par coeur... à voix
haute. Ils sont encore en 5e classe. Tous enfants
de pêcheurs, ils n'ont pas l'occasion d'aller
à l'école à l'âge requis.
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Élèves - travailleurs de
la mer
Les horaires de cette classe "flottante"
sont très spéciaux. En été, les classes se font de
13h à 17h. En hiver, la nuit tombant très tôt, la classe commence
à midi et se termine à 16h. Des horaires plutôt inhabituels
dus au fait que ces enfants doivent aider leurs parents dans la pêche en
haute mer dès la tombée de la nuit, et jusqu'à l'aube.
Entre
les mois de février et de mai du calendrier lunaire, c'est la saison des
seiches, époque principale de l'exploitation des produits de la mer pour
les pêcheurs. Les élèves, surtout les ados, abandonnent alors
leurs études. C'est pourquoi, les institutrices élaborent elles-mêmes
un programme scolaire précoce pour pouvoir "choyer" leurs élèves.
"Ce sont des enfants "capricieux" comme le temps après qui
nous devons courir", rigole Luong.
Ces cours sont non
seulement accessibles aux enfants des pêcheurs, mais aussi à leurs
parents. Chaque année, des formations gratuites sont organisées
pour ces analphabètes dont la vie est presque éternellement liée
à la mer. Depuis sa création, il y a trois ans, l'école flottante
a accueilli 230 enfants, sans compter leurs parents qui y viennent par intermittence.
En
dépit des vagues déferlantes, des oscillations incessantes du radeau,
la classe flottante persiste, quelque soit le temps. Une paisible existence, malgré
tout, consacrée à l'éducation, considérée au
Vietnam comme une religion.
Hông Nga
Le
Courrier du Vietnam - 11/05/03