Et
aujourd’hui ? Qu’en reste-t-il ?
Le Vietnam est-il vraiment francophone ?
Les chiffres sont très variables…
Adoptons celui-ci : 0,5% de la population vietnamienne parlerait français
de façon courante ou occasionnelle ; ces 375 000 personnes représenteraient
donc environ 0,25% des francophones dans le monde.
Ne
nous faisons pas d’illusions : le français n’est pas, n’est plus la langue
de communication au Vietnam en l’an 2000.
On écrit des poèmes en français, on chante en français, on enseigne en
français, on parle français pour le plaisir…
Mais dans la vie courante, la très grande majorité parle vietnamien et
anglais. L’étranger est d’ailleurs presque toujours abordé en anglais :
« hello » ! Le français
est parlé sur incitation : ainsi si l’on vous entend parler français, il
est probable que plusieurs personnes vous disent bonjour. Malheureusement,
le « francophone moyen » (et particulièrement le Français) scie la branche
sur laquelle il est assis, par paresse ou par timidité : il répond « hello
! » au lieu de « bonjour », dit « thank you » quand on
lui rend service… Situation vécue (une
parmi tant d’autres) : un couple français s’installe à une table de restaurant.
Le serveur les salue dans un anglais hésitant, puis les entend discuter
du menu en français. Il prend alors
la commande dans un français presque parfait : « Que désirez-vous ? »
« I want an orange juice and a beer 333 ».
« Bien monsieur. Autre
chose ? » « No, thank you ». Navrant… |
Pourquoi s’étonner
dès lors qu’il soit presque impossible de demander quoi que ce soit en français
à la Vietcombank, dans un avion de Vietnam Airlines ou même à la réception de
l’hôtel Métro-pole ? Un de mes
amis a collé à l’arrière de son casque un autocollant « Bonjour !
Ca va ? », et il se fait constamment saluer en français !
C’est donc bien à nous à faire le premier pas... La
francophonie au Vietnam est donc peu (et de moins en moins ?) visible, elle
ne viendra pas à votre rencontre… Il
vous faudra aller la chercher, car elle est là, un peu cachée dans les cœurs et
les âmes de nombreux vietnamiens. Ils
la chérissent comme un vieux bijou, dans sa boîte, et lui font prendre l’air de
temps en temps. Certains, de plus
en plus ouvertement, la transmettent à leurs enfants…
Qui
sont ces francophones du Vietnam ? On
pense bien entendu en premier lieu aux survivants de l’époque coloniale française.
Celle-ci ayant pris fin en 1954, c’est-à-dire il n’y a « que »
46 ans, cela fait quand même pas mal de monde, même dans un pays dont la majorité
de la population est très jeune. Ces
francophones aux voix mûres âgés de 50 ans et plus sont souvent très actifs et
un peu nostalgiques, dénonçant vertement la mondia-lisation et la progression
de la langue anglaise, se battant contre elle en pratiquant le français et en
déclamant Cyrano dans leurs clubs francophones. L’anglais
a-t-il conquis tous les jeunes ? Non,
même si actuel-lement c’est la seconde langue choisie par environ 85% des lycéens. Depuis 1992 l’enseigne-ment du français dans les écoles a bénéficié
d’un nouveau souffle… A une époque
ou l’enseignement du russe passait à la trappe et où celui du chinois ne décollait
toujours pas, un programme d’enseignement intensif du français a été mis en place :
les classes bilingues. | Commencé
avec à peine 6 classes à HCMV à la demande de quelques parents francophones, ce
programme a bénéficié d’une aide multilatérale, principalement de l’Agence Universi-taire
de la Francophonie. Aujourd’hui, il
y a près de 20 000 élèves dans les 687 classes bilingues du Vietnam. Ces
jeunes pousses y restent toute la journée, de la 1e primaire au Bac,
pour y apprendre le français et certaines matières scientifiques en français,
ainsi que (plus tard) l’anglais comme 3e langue.
Leur bac bilingue en poche, certains poursuivent leurs études dans d’autres
pays francophones, les autres dans les Filières Universitaires Francophones au
Vietnam. Vous devriez les voir, nos
« jeunes pousses » mais surtout les entendre ! Et
entre 20 ans et 50 ans ? Rassurons-nous,
là aussi il y a des francophones actifs !
Ils sont guides touristiques, employés dans les sociétés francophones ou
enseignants, et s’ils se débrouillent souvent moins bien que leurs aînés et se
font parfois dépasser par leurs élèves, ils n’en sont pas moins représentants
de la francophonie au Vietnam. L’un d’entre eux m’a téléphoné l’autre jour :
il m’a demandé en anglais dans quelle langue je souhaitais m’entretenir avec lui,
et nous avons ensuite parlé d’informatique de pointe en français : son niveau
était égal au mien ! Le paradoxe de la francophonie au Vietnam ne cessera jamais
de m’étonner… Elle
mériterait de nombreux adjectifs, de « invisible » à « vivante »,
en passant par « hésitante » et « passionnée » : tout
un programme animé par des voix mûres et des jeunes pousses… Encourageons-les ! |