La francophonie au Vietnam «
Jeunes pousses et voix mûres » : un regard sur la francophonie au Vietnam
aujourd'hui. En 1997, c'était l'euphorie : l'organisation
du septième Sommet de la Francophonie à Hanoi consacrait le Vietnam comme l'un
des acteurs importants de la francophonie. Hanoi se fit belle et une signalisation
trilingue fleurit à tous les coins de rue. De même, des enseignes de magasins
de Hanoi et Hô Chi Minh-Ville adoptèrent la langue de Molière en plus de celle
des Nguyen. Des guides, employés d'hôtel et autres chauffeurs furent initiés aux
subtilités de la « Tieng Phap » (« langue française »). Et aujourd'hui,
qu'en reste-t-il ? 1) Le Vietnam est-il vraiment francophone ?
Les chiffres sont très variables. Adoptons celui-ci : 0,5 % de la population
vietnamienne parlerait français de façon courante ou occasionnelle ; ces 375 000
personnes représenteraient donc environ 0,25 % des francophones dans le monde.
Ne nous faisons pas d'illusions : le français n'est pas, n'est plus la langue
de communication au Vietnam en l'an 2000. On écrit des poèmes en français, on
chante en français, on enseigne en français, on parle français pour le plaisir.
Mais dans la vie courante, la très grande majorité de la population parle vietnamien
et anglais. L'étranger est d'ailleurs presque toujours abordé en anglais : « hello
» ! Le français est parlé sur incitation : ainsi si l'on vous entend parler français,
il est probable que plusieurs personnes vous diront bonjour. Malheureusement,
beaucoup de francophones scient la branche sur laquelle ils sont assis, par paresse
ou par timidité : ils répondent « hello ! » au lieu de « bonjour », disent
« thank you » quand on leur rend service... Voici une situation vécue, parmi tant
d'autres : un couple français s'installe à une table de restaurant. Le serveur
les salue dans un anglais hésitant, puis les entend discuter du menu en français.
Il prend alors la commande dans un français presque parfait : « Que désirez-vous
? » « I want an orange juice and a beer 333 ». « Bien monsieur. Autre chose ?
» « No, thank you » ! Pourquoi s'étonner dès lors qu'il soit presque
impossible de demander quoi que ce soit en français à la Vietcombank, dans un
avion de Vietnam Airlines ou même à la réception de l'hôtel Métropole ? Un de
mes amis a collé à l'arrière de son casque un autocollant « Bonjour ! Ca va ?
», et il se fait constamment saluer en français ! La francophonie au
Vietnam est donc peu (et de moins en moins) visible ; elle ne viendra pas à votre
rencontre. Il vous faudra aller la chercher, car elle est là, un peu cachée dans
les cœurs et les âmes de nombreux Vietnamiens. Ils la chérissent comme un vieux
bijou, dans sa boîte, et lui font prendre l'air de temps en temps. Certains, de
plus en plus ouvertement, la transmettent à leurs enfants. 2) Qui
sont ces francophones du Vietnam ? On pense bien entendu en premier
lieu aux survivants de l'époque coloniale française. Celle-ci ayant pris fin en
1954, cela fait quand même pas mal de monde, même dans un pays dont la majorité
de la population est très jeune. Ces francophones âgés de 50 ans et plus sont
souvent très actifs et un peu nostalgiques. Ils dénoncent parfois vertement la
mondialisation et la progression de la langue anglaise, se battent contre elle
en pratiquant le français et en déclamant Cyrano dans leurs clubs francophones.
L'anglais a-t-il conquis tous les jeunes ? Non, même si actuellement c'est
la langue étrangère choisie par environ 85 % des lycéens. Pourtant, depuis
1992 l'enseignement du français dans les écoles a bénéficié d'un nouveau souffle.
À une époque où l'enseignement du russe passait à la trappe et où celui du chinois
ne décollait toujours pas, un programme d'enseignement intensif du français a
été mis en place : les classes bilingues. Débuté avec à peine six classes à Hô
Chi Minh-Ville à la demande de quelques parents francophones, ce programme a bénéficié
d'une aide multilatérale, principalement de l'Agence Universitaire de la Francophonie.
Aujourd'hui, il y a environ 20 000 élèves dans les quelques 715 classes bilingues
du Vietnam. Ces « jeunes pousses » y restent toute la journée, du primaire au
baccalauréat, pour y apprendre le français et certaines matières scientifiques
en français, ainsi que (plus tard) l'anglais comme deuxième langue étrangère.
Leur baccalauréat bilingue en poche, certains poursuivent leurs études dans d'autres
pays francophones, les autres dans les Filières Universitaires Francophones au
Vietnam. Vous devriez les voir, nos « jeunes pousses » mais surtout les entendre
! Et parmi les Vietnamiens âgés de 20 à 50 ans, il y a aussi des francophones
actifs ! Ils sont guides touristiques, employés dans les sociétés francophones
ou enseignants, et, s'ils se débrouillent souvent moins bien que leurs aînés et
se font parfois dépasser par leurs élèves, ils n'en sont pas moins représentants
de la francophonie au Vietnam. L'un d'entre eux m'a téléphoné l'autre
jour, me demandant dans quelle langue je souhaitais m'entretenir avec lui ; nous
avons parlé d'informatique de pointe en français et son niveau était excellent
! La francophonie au Vietnam mériterait de nombreux adjectifs, d'« invisible
» à « vivante », en passant par « hésitante » et « passionnée » !
Pour en savoir plus, consultez le site www.chez-pierre.net.
Découvrez aussi www.passions-vietnam.com.
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